Quel modèle pour lancer son entreprise sociale ?
source:
theconversation.com
Selon les chiffres du gouvernement français, depuis 2000, l’emploi dans le secteur de
l’économie sociale et solidaire a augmenté de 24 %, pour représenter au moins 10 % du PIB. Une autre
étude précise que cette montée en puissance devrait se poursuivre.
Le secteur social a en effet été largement encouragé ces dernières années, comme l’illustre l’entrée en vigueur au 1er janvier 2016 de la
loi dite ESS, pour Économie sociale et solidaire, qui réforme notamment le statut juridique des entreprises sociales.
Malgré ces avancées, des freins à une accélération de l’ESS subsistent, en particulier la difficulté d’élaborer puis de mettre en œuvre un business model social viable. Ce dernier doit permettre d’atteindre les objectifs premiers de création de valeur sociale, sans pour autant compromettre l’apport d’un flux de revenus stables généré par une activité commerciale.
Prioriser la dimension sociale
Lors du lancement d’une entreprise sociale, l’élaboration du business model reste donc une étape aussi cruciale que compliquée. Pour éclairer les entrepreneurs sociaux, nous avons mené une recherche qui a permis l’élaboration d’une feuille de route (voir ci-dessous) pour les aider dans leur analyse.
Auteurs
Ils pourront ainsi sélectionner le business model qui correspondra le mieux à leurs missions sociales et à leurs objectifs économiques parmi les trois principaux que nous avons identifiés : à but non lucratif, à but lucratif, ou hybrides. Dans les trois cas, la dimension sociale reste priorisée par rapport à l’activité commerciale ou génératrice de revenus.
Les
entreprises sociales à but non lucratif, contrairement à ce que leur nom indique, peuvent générer des profits ou des bénéfices grâce à leurs activités commerciales. Cependant, les revenus supplémentaires ne peuvent pas être partagés ni redistribués entre les propriétaires ni les actionnaires. Dans ce genre de modèle, le profit doit être réinvesti dans l’entreprise pour créer de la valeur sociale.
Pour autant, une entreprise à but non lucratif présente un avantage non négligeable : celui de sa flexibilité en termes de solution de financement. En plus de générer des revenus grâce à ses activités commerciales, elles ont aussi la possibilité de lever des fonds par le biais de subventions privées ou publiques, des dons d’entreprises ou grâce à la philanthropie de particuliers ou de plus grandes institutions.
Hot Bread Kitchen, basée à New York, est un exemple d’entreprise sociale à but non lucratif qui offre des opportunités de travail à des femmes migrantes sous-qualifiées, souvent contraintes de vivre en marge de la société.
Led By Her en est un autre exemple, basé cette fois en France, à Paris. Son objectif est de permettre à des femmes ayant souffert de violences conjugales de concrétiser leur rêve d’entrepreneuriat. D’ailleurs, en 2019, la
Fondation Renault a alloué une subvention philanthropique de 3 ans à Led By Her afin de soutenir la mission que Renault s’est fixée en matière de diversité et d’inclusion par l’entrepreneuriat féminin.
Mais les entreprises sociales peuvent aussi être
à but lucratif. Elles se différencient alors de leurs homologues sans but lucratif à deux niveaux. D’abord, le point fort de ce type de structure à but lucratif est de pouvoir lever des fonds de capital-risque et d’investisseurs providentiels. Comme elle peut générer des profits, les excédents peuvent être redistribués entre ses propriétaires et ses investisseurs.
En revanche, les entreprises sociales à but lucratif n’ont généralement pas la possibilité, comme le font les entreprises sociales à but lucratif, de profiter de donations ni de subventions philanthropiques, ce qui permet à l’entrepreneur de garder une certaine indépendance, et de moins compter sur des solutions de financement de court terme telles que celles-ci.
Ainsi, opter pour un modèle d’entreprise sociale à but lucratif permet à l’entrepreneur un meilleur contrôle des activités de son entreprise, sauf quand des investisseurs externes ont placé une somme conséquente dans l’entreprise et estiment avoir leur mot à dire.
Comme pour le modèle précédent, les entreprises sociales à but lucratif peuvent appartenir à des secteurs d’activité très différents. Par exemple,
Phenix, lancée à Paris en 2014 par deux entrepreneurs français, vise à créer une économie circulaire en proposant des solutions de gestion des déchets.
UNICUS, qui a ouvert ses portes en 2010 en Norvège, crée des opportunités de carrières dans le conseil informatique à des personnes atteintes de troubles autistiques. Depuis 2016, un investisseur financier norvégien a même réalisé un investissement en capital qui a permis à UNICUS de s’implanter sur 3,autres sites. Dans les deux cas, les fondateurs de Phenix et d’UNICUS veillent scrupuleusement à ce que les valeurs de leurs investisseurs coïncident avec les missions sociales de leur entreprise.
Explorer les solutions innovantes
Il existe enfin des entreprises entre les modèles à but lucratif et sans but lucratif : ces structures tirent leur caractère hybride du choix qu’elles ont d’adopter un type de structure ou un autre, selon la flexibilité juridique et financière attendue pour rester au plus proche de leurs missions. L’objectif principal de l’élaboration d’un modèle d’entreprise hybride émerge souvent de la nécessité de séparer les activités sociales de l’entreprise de ses activités commerciales.
C’était précisément le genre de séparation que se devait d’opérer Destiny, une entreprise sociale à but non lucratif qui entend autonomiser de jeunes femmes prises au piège de l’industrie du trafic sexuel en Inde. La fondation Destiny représente la branche sociale à but non lucratif qui assure la mission sociale de l’organisation, alors que Destiny Reflection est une maison de mode et qui assure les obligations financières de l’entreprise.
On peut aussi citer une autre structure hybride grâce au cas
Pura Vida Coffee, une entreprise à but lucratif. Tandis que Pura Vida Coffee génère des rentrées d’argent et des bénéfices par la vente de café équitable, la
Fondation Pura Vida Create Good Good est conçue comme une entreprise sans but lucratif qui soutient des projets sociaux dans des pays tels que le Costa Rica ou le Guatemala.
Dans le monde entier, les entrepreneurs sociaux n’ont de cesse d’explorer des solutions toujours plus innovantes pour faire face aux problèmes urgents du monde. Leur rôle est considérable dans la création d’impact social et économique. Par conséquent, les décisions qui concernent la conception et la structure juridique du modèle d’entreprise sociale doivent absolument être prises au sérieux.
Une évaluation minutieuse des modèles mentionnés plus haut peut aider les entrepreneurs sociaux à fonder une entreprise sociale efficace qui permettra de créer une planète saine et riche !